Selle n°3 !

[Amélia]

Et je travaille ce matin sur la doublure des skirts, ces pièces de renfort qui épousent le contour des barres d'arçon. Elles sont longuement parées pour que les bords soient à 0 et ne se sentent pas sur le dos du cheval.
Les doublures ne sont pas encore prêtes. Il faut que je les ponce et que j'égalise parfaitement les zones parées pour supprimer tous les creux et toutes les bosses.

[Geppetto]

Bonjour Amélia, pour que tu saches qu'on te suit, te surveille et t'encourage.

Michel

[MICHEL39]

Oui, on te suit.
Et tes differentes photos montrent bien toute la difficulté de ce travail sur une selle.

Sans doute impossible de faire tout ça si on a un travail salarié à coté...!

En plus j'imagine que tu dois aussi travailler pour des réalisations moins complexes , mais pour faire tourner la trésorerie.

Courage. Et bravo

[equicuir89]

Il y a plein de personnes qui suivent, c'est sûr.
Bravo encore pour le temps que tu passes aussi pour partager ce travail. Ce style de selle se rapproche de celle que j'aimerai réaliser, pour le plaisir de faire.
Faut que je me mette un coup de pied aux fesses pour réactiver mon copieur d'arçon, laissé un peu en stand by.

[Amélia]

Merci beaucoup pour vos messages C'est vraiment aimable à vous tous.

Je pense que la réalisation d'une telle selle est possible malgré un travail salarié à côté. Mais ça prendra beaucoup plus de temps car il faudra faire une pièce par-ci, par-là, quand le moment s'y prête. Toutes les tâches sont divisibles. On peut s'y mettre 1h, puis tout laisser en plan et reprendre plusieurs jours après. Mais à ce rythme, on n'en verrait pas le bout, ce qui peut sembler décourageant. Il vaut mieux y consacrer des journées entières pour voir le projet avancer. Il y a tellement d'étapes !
Certaines pièces doivent être formées en une fois, car elles nécessitent d'être intégralement trempées. On peut laisser le travail en pause, puis retremper la pièce et continuer à la mise en forme. Mais ça oblige à défaire la pièce qui a été fixée, puis la replacer aux mêmes endroits, etc. C'est plus laborieux.

En effet Michel39, je travaille également sur d'autres commandes en parallèle.
Je privilégie le travail sur la selle le matin. Puis je me consacre aux autres fabrications l'après-midi. Et s'il me reste un peu de temps, je reviens sur la selle en fin de journée. De cette manière, je répartis mon temps sans défavoriser la selle, ou le reste des commandes.
Travailler sur la selle le matin me rend beaucoup plus sereine car je sais où j'en suis, je vois que j'avance et ça me rassure. Parfois, je n'hésite pas à passer des journées entières sur la selle. Mais ça me fait du bien, aussi, de changer de projets pour me changer les idées ou me reposer les doigts !

[Amélia]

J'avance, j'avance. Pas à pas mais ça avance.


J'ai passé quelques heures à préparer les skirts. J'ai collé la doublure, préparé les enveloppes avant et arrière, puis fini les bords et teinté les pièces.
La teinte est définitivement compliquée... Non seulement ça prend du temps, car j'y reviens à plusieurs reprises pour homogénéiser un max. Mais en plus ça me bloque, car je dois attendre que les pièces sèchent, pour voir si je repasse une couche ou pas. Souvent, je ne peux pas avancer car je dois arriver au bout de la teinte désirée pour poursuivre ou installer la pièce. Par exemple, pas possible de monter les fenders tant que les pièces ne sont pas à leur teinte définitive. Et pour savoir si elles sont à leur teinte définitive, je dois attendre de teinter les autres pour vérifier que l'ensemble est à peu près harmonisé. Idem pour les back jockeys, que j'ai préparés hier.



A l'état naturel, le cuir tache facilement et fait de grosses marques si on ne le mouille pas de manière uniforme. Mais teinté, il fait tout autant de traces !
D'ailleurs, j'ai des traces de je ne sais quoi qui ressortent par endroits... Auriez-vous une idée de ce que c'est ?



Pour poursuivre les réjouissances, la teinture accentue des défauts qui ne se remarquaient pas tant à l'état naturel. C'est le cas de ces petites cicatrices sur le back cantel.



Ah quand je vous dis que la teinture, c'est la m****...
MAIS le cuir étant si vulnérable aux taches à l'état naturel, je ne sais pas si ce sera plus simple quand je ferai une selle sans teinture... Car le moindre accroc, le plus petit impact, n'importe quel grain qui se coince et s'enfonce dans la fleur, ou griffure, se voit. Je ne sais pas comment font ces selliers d'excellence qui proposent des selles absolument irréprochables... Il est extrêmement compliqué de travailler le cuir sans l'abimer, même en prenant un maximum de précautions...
Enfin si, je pense qu'il faudrait aménager un plan de travail parfaitement lisse, voire une grande plaque de verre sans aucune rayure, et un autre plan de travail recouvert de peau de mouton ou de mousse. Ainsi, la selle est toujours amortie ou sur un espace propre et lisse.


Donc les pièces se préparent et commencent à former un ensemble bien garni.

[Amélia]

Il me reste donc à finir les skirts (coudre les enveloppes, puis les doubler avec la peau de mouton), coller le fork, le back cantle, et surtout préparer le siège... le plus costaud de toute la fabrication je pense. Pour le reste, ce sera des petites tâches (monter les étrivières, préparer les petites pièces accessoires, installer le mule wrap...).

[Luc]

Des petites taches!!! Là tu me fais rire!!!

[Amélia]

Haha pour moi Luc, oui, c'est vraiment de petites tâches ! Un jeu d'enfant de monter les fenders quand on sort du fork ou du siège !


Je viens avec du nouveau, beaucoup de nouveau sur cette selle qui approche de la fin.


Première chose, me suis réveillée en sursaut quand je me suis rappelée que l'arrière des skirts n'était pas à la bonne forme...



J'ai donc rattrapé en redécoupant suivant ces formes arrondies. Cette forme est particulièrement adaptée pour les dos très courts, et pour gagner un peu d'aisance et de confort supplémentaire pour le cheval, qu'il ne se sente pas coincé ou pincé sous la selle.


J'ai ensuite cousu les enveloppes sur les skirts, pour emprisonner l'arçon.



Il m'a fallu corriger la longueur des back jockey pour laisser apparaître l'arrondi des skirts.


A droite, le back jockey initial, à gauche, le back jockey raccourci, à sa nouvelle longueur :

[Amélia]

Ensuite j'ai collé le fork cover. En galérant comme il se doit ! Car le cuir était hyper raide, et le retour de cuir dans le gullet n'en parlons pas... J'ai donc collé la pièce au fur et à mesure, presque sans la bouger, mais juste en soulevant morceau par morceau pour appliquer la colle. J'ai ensuite tout mis en tension avec cette sangle pour que l'avant du fork soit bien rabattu contre l'arçon, et ne se relève pas.

[Amélia]

Puis j'ai fixé les double rigging plate de sanglage. Pour réussir à couper les tiges de rivet en cuivre massif, j'ai trouvé cette astuce !




Sans cela, jamais je n'aurais eu assez de force dans les mains pour en venir à bout d'une seule...



J'ai cousu la peau de mouton sur les skirts, passé la tondeuse à chevaux sur les bords pour obtenir une belle finition, et ensuite lacé l'arrière des skirts, avec un laçage du coup plus court, puisque la forme arrondie écourte les skirts.

[Amélia]

Puis j'ai cousu et installé les back jockey :




Pour attaquer le siège, j'ai protégé la selle avec un cuir souple. En effet, le cuir que j'utilise tache quand il est mouillé. Et avec le mal que je me suis donnée pour obtenir une belle teinte, je ne voulais pas prendre le moindre risque en appliquant le siège dégoulinant...



J'ai laissé tremper le cuir 3h environ.


J'ai rabattu le haut du cantle qui était comme ceci :

[Amélia]

Pour dégager l'espace et que le cuir du siège puisse s'appuyer contre le cantle, comme ceci :



Puis j'ai installé le siège, bien centré, pas trop reculé, que j'aie assez de matière pour recouvrir les enveloppes à l'avant, et aller jusqu'en haut du cantle. J'ai fixé des pinces métalliques très serrées de chaque côté, puis j'ai tout mis en tension pour que le siège s'étire toute la nuit.



J'ai préparé pendant ce temps des petites pièces accessoires :

[Amélia]

Je suis régulièrement revenue au siège pour frapper l'assise, étirer le cuir et lisser les plis qui se formaient sur l'assise, pour obtenir la mise en forme la plus proche possible de l'arçon.
Après une nuit complète en tension, j'ai décroché l'ensemble, l'ai remis à tremper 1h, puis l'ai retravaillé en étirant les côtés et en lissant le centre.
J'ai également étirer l'arrière, progressivement, pour que le cuir se déforme et commence à épouser le cantle.





Et ben les mecs, je peux vous dire que ça fait les bras...


Suite à ça, le siège semblait plutôt bien en forme pour entamer les découpes. J'ai commencé par les fentes aux bases du cantle, la sueur à la tempe de peur de me tromper...

[Amélia]

J'ai pu fixer les poinçons à l'arrière, et tout doucement, découper l'avant du siège ainsi que les side jockey. Pour cela, on marque une pré-découpe, on vérifie dix fois, on pré-découpe, on revérifie, puis on grignote par-ci, par-là, où le cuir est encore trop long et on raccourcit où on veut. On a vite fait de coupe trop court !! Alors on vérifie encore et encore. Il faut impérativement que le siège recouvre certains éléments, par exemple les enveloppes, le bas du fork cover, les clous, etc. Si on a coupé trop court et si le siège ne les couvre plus, ben, c'est la cata...



Comme on peut le voir ici, le siège est tout juste limite au niveau des back jockey. Il aurait été mieux que le siège déborde un peu plus sur les back jockey. Mais ça le fera quand même.


Une fois ce côté fait, on reporte de l'autre côté, tout en vérifiant aussi consciencieusement que pour le premier côté. Il faut à la fois symétriser le siège, à la fois s'adapter et modifier la découpe au besoin. Il vaut mieux avoir un siège légèrement asymétrique mais visuellement équilibré plutôt qu'un siège symétrique qui arriverait trop court d'un côté où par exemple les clous auraient été plantés plus haut dans le fork.




Et là, gros contre-coup ! J'ai tellement stressé qu'après cette étape, j'ai cru que j'allais m'endormir sur place de soulagement et de détente...


Bon avant de siester, j'ai passé la plyer et la lissette en haut du cantle, pour préparer le futur binder.

[Amélia]

Et j'ai préparé le gabarit de la mousse qui permettra de faire un siège matelassé.





Le siège n'est pas terminé. Je dois maintenant travailler la mousse, la poncer pour obtenir exactement la bonne forme, et la bonne inclinaison sur tout le contour pour la finir en pente douce. Il me faudra ensuite coller et festonner la peau qui la couvrira, coudre l'ensemble sur le siège, coller le siège à l'arçon et coudre le straight up binder.
Après ça, je pourrai presque crier victoire car la selle sera quasiment finie.
Mais je suis déjà très soulagée d'avoir réussi à former et découper le siège ainsi, dans ce cuir qui est si costaud...

[equicuir89]

C'est toujours un régal de suivre toutes les étapes. Merci, car, poster tout ce que tu fais représente aussi du boulot....
C'est pas comme si tu n'avais rien à faire

[Amélia]

Merci Equicuir !


J'ai avancé sur de petites choses en attendant de recevoir la peau de Mich'. Ca fait bizarre dit comme ça hein ?
En fait, mon cuir marron n'était pas assez foncé pour l'assise de la selle. J'ai voulu le teinter, côté chair, c'est-à-dire le côté qui sera visible sur la selle (souhait de la cliente) mais Mich' m'a mise en garde contre les grands risques que ça déteigne... J'attends donc son colis car il m'a dépanné sur ce coup-là, encore


J'ai donc avancé sur ce que je pouvais :


Alors voilà la gueule que devrait avoir un siège travaillé dans un BON cuir :



J'ai d'ailleurs bien galéré à finir les bords, que j'aurais dû soigner tant que le siège était humide et déformable.


Ensuite j'ai monté les étrivières et twisté les fenders :

[Amélia]

Installé ces petites rosettes qui empêchent la bague du blevin de glisser et tomber par terre (je suis bonne pour les démonter car ça s'installe fender monté sur la selle, sans quoi on ne peut pas faire passer l'étrivière dans le passage de l'arçon).






Puis j'ai installé les latigo strings à l'arrière de la selle, en faisant les enchapures dans les back jockeys. Ces enchapures sont un peu désépaissies pour avaler l'épaisseur du latigo string.

[Amélia]

Je passe le lacet puis le frappe, obtenant ainsi un cuir bien plaqué, sans surépaisseur. Le latigo string est vissé jusqu'à l'arçon, ce qui fait un des points de fixation à l'arrière, le même en fait qu'avec un conchos :



Enfin, j'enfile les rosettes et fais mes noeuds.
J'ai préparé les enchapures sur le reste du siège :

[Amélia]

Après avoir reçu la peau envoyée par Mich', j'ai pu coller mon siège matelassé de mousse.





Puis j'ai fait le festonnage en prenant un peu de marge avec le bord de la mousse, pour laisser la place de la couture.
J'ai ensuite positionné le siège matelassé sur la selle, en prenant des repères un peu partout pour le centrer parfaitement.

[Amélia]

[Amélia]

Je marque la selle, bien à l'intérieur, c'est-à-dire sous le siège matelassé, pour pouvoir poncer et encoller les deux parties.

[Amélia]

C'est un moment hyper stressant, faut vraiment pas se louper, au risque de devoir recommencer totalement le siège matelassé.
Mais heureusement, j'obtiens ce que j'avais espéré. Tout est bien calé, et le festonnage tombe bien selon mes repères. Donc la matelassure est vraiment à sa place.





Il est temps de faire la couture, autre moment bien stressant...

[Amélia]

Maintenant que la matelassure est cousue au siège, on peut coller le siège à la selle.




J'ai installé les petites pièces accessoires droite et gauche pour le sanglage en vissant à deux endroits pour que le dés d'attache du collier de chasse soient bien stables et ne fassent pas tourner la pièce.



Et découper le bord du cantle.